Alterner les rimes masculines et féminines.
On appelle rimes féminines celles qui se terminent par un "e" muet. Toutes les autres rimes sont dites masculines. Cette première règle s'est établie progressivement au XVIe siècle.
Règle N° 2
Ne pas élider les "e" muets devant une consonne.
Lamartine
Selon la première règle, cuiller rime avec fer ou mer, et cuillère rime avec faire ou mère, mais mer ne rime pas avec mère ni fer avec faire...
Dans les chansons, même anciennes, on n'observe pas toujours ces deux règles. Mais alors, on parle de "vers de mirliton".
Corneille
Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
La Fontaine
Maître corbeau, sur un arbre perché
Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l'odeur alléché
Lui tint à peu près ce langage...
On remarquera qiue dans l'exemple de Corneille, les rimes alternent sous la forme fém-fém-masc-masc, tandis que chez La Fontaine l'alternance est masc-fém-masc-fém, et l'inverse chez Lamarine: fém-masc-fém-masc. Les deux genres sont parfaitement acceptables, et on trouve aussi des rimes "embrassées" fém-masc-masc-fém comme par exemple dans l'art poétique de
Verlaine
De la musique avant toute chose
Et pour cela, préfère l'impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
On remarquera aussi que les vers n'ont pas tous le même nombre de "pieds" (syllabes prononcées). Ceux de Corneille et de Lamartine sont des alexandrins (douze pieds) ceux de La Fontaine dans cet exemple alternent entre dix et huit pieds, et ceux de Verlaine en ont neuf.
Deux autres exemples, du vingtième siècle :
Jean Pellerin
Carmen, la changeante Espagnole
Aimait les courses de taureaux.
J'aime la course des bagnoles
Le soir, quand on sort du bureau.
Georges Brassens
C'est à travers de larges grilles
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu'en dira-t-on.
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que rigoureusement ma mère
M'a défendu d'nommer ici.
Dans les chansons, lorsque un "e" muet est élidé, on a coutume de le remplacer par une apostrophe, comme dans le dernier vers de Brassens.
Lisez, pour vous convaincre du bien-fondé de ces deux règles de base, quelques poèmes d'auteurs célèbres.
On appelle ainsi les rimes dont la répétition porte sur trois phonèmes ou plus.
Draps blancs, satin cardinalice,
Dans l'ombre du car dîne Alice.
Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses.
Terminaisons en « ion »
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Jusqu'au XXe siècle, la terminaison en « ion » comportait deux pieds (deux syllabes):
On disait « le lion » [li.õ] comme on prononce le verbe « nous lions ». Aujourd'hui, l'animal se prononce [ljõ] en une seule syllabe.
Le mots se terminant en ion sont innombrables. Cela pose quelques problèmes lorsque l'on déclame des vers anciens, bien que les bons acteurs d'aujourd'hui prononcent les deux pieds de façon discrète mais distincte. S'ils ne le faisaient pas, les alexandrins correspondants n'auraient que onze pieds, et seraient donc bancals.
Le lion [li.õ] (2 pieds) : Le lion dans sa tête avait une entreprise (La Fontaine).
Le lion [ljõ] (1 pied) : En Afrique, j'ai vu des lions (version moderne).
Ambition (2 pieds) : Je suis trop au-dessous de cette ambition (La Fontaine).
Il y a plusieurs autres mots qui comptaient autrefois deux pieds là où ils n'en ont plus qu'un, par exemple inqui-et, sci-ence, vi-olence, vi-olon.
Plus fait douceur que violence (La Fontaine).
Les sanglots longs des violons de l'automne (Verlaine).
Autre curiosité
Pour La Fontaine, le mot «poète», qu'il écrit «poëte» avec un tréma, n'a qu'un seul pied... Cela sonne curieusement à nos oreilles modernes :
Même précaution nuisit au poëte Eschyle.
Aujourd'hui, nous prononcerions «précaution» avec trois pieds au lieu de quatre, et «poète» avec deux pieds au lieu d'un seul, mais l'alexandrin, tout en conservant globalement ses douze pieds, serait bancal par la position de l'hémistiche.
Chez Baudelaire, le mot a deux pieds :
Le Poète est semblable au prince des nuées (L'Albatros, dans «Les fleurs du mal»).