Cette page couvre des questions de sémantique. Voir sur d'autres pages (questions de style) des clichés, mots paresseux, chevilles, des liens en français (anglais et allemand). Voir aussi quelques anglicismes et des mots à ne pas confondre. Enfin, voir dans d'autres pages ce que j'ai écrit sur la prononciation du français et trouvé sur celle de l'anglais. Si vous avez des commentaires ou des questions, écrivez-moi (lien courriel en bas de page).
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Accaparer est un verbe transitif, mais pas réflexif : on accapare quelque chose, on ne s'en accapare pas. Il faudrait donc écrire : «Il accapare tout l'héritage ». En revanche, on peut parfaitement dire : « Il s'approprie tout l'héritage ».
Qu'y trouve-t-on ? Un grand choix de marchandises ? Non : de nombreux et de bons clients. Le mot "chaland" désigne l'acheteur, pas la marchandise. On devrait donc dire un magasin bien approvisionné, ou aux rayons bien garnis.
Une alternative, c'est deux ou éventuellement plusieurs choix. Le jour où les routes sont encombrées de neige, il ne faut donc pas dire : « il y a deux alternatives : rester chez moi ou y aller à pied », mais « il y a deux options (ou choix, ou possibilités) : soit je reste chez moi, soit j'y vais à pied. » Ces deux options constituent une alternative. Quand il y en a plus de deux, il vaut mieux de toute façon parler d'options ou de possibilités.
Encore une fois, on me prendra pour un cinglé si je réponds : lui as-tu demandé s'il était d'accord ? D'accord ? mais de qui parles-tu ? Eh bien, de ce Rosé que tu veux m'amener...
La règle est simple : on amène ce qui peut se déplacer par ses propres moyens — le plus souvent un personne ou un animal vivant, ou un véhicule — sinon on l'apporte. Si l'on m'amène un poulet pour le dîner, il faudra d'abord que je le tue ; si l'on m'apporte un poulet, il suffira que je le mette au four, à moins qu'il ne soit déjà cuit... Soyons juste : j'exagère un peu, car le poulet, on l'apporte, même vivant, parce que l'on peut le porter, tandis qu'on le voit mal amené, en laisse ou bras-dessus, bras-dessous...
Le véhicule, on peut aussi le conduire au garagiste plutôt que de le lui amener, et de même, on peut conduire sa fille à l'école — on l'y amènera à pied et l'y conduira en voiture — et les veaux à l'abattoir.
Ces remarques s'appliquent aussi au couple "emmener/emporter". Là où l'on peut utiliser le verbe conduire, mener, amener ou emmener sont justifiés.
Il est vautré devant la télévision toute la journée. Amorphe, du grec μορφἡ, forme (voir les mots polymorphe, morphologie etc.), signifie informe, et non pas inactif ou sans volonté. Dans le cas présent, il faudrait mieux dire apathique ou léthargique.
Évidemment, c'est du passé. Donc un autre pléonasme, qui n'ajoute rien. Il sufit donc de dire simplement «Il y a deux ans», ou éventuellement «Il y a deux ans de cela», mais ce n'est pas vraiment nécessaire. Soyons concis.
Attractif n'est pas un anglicisme à proprement parler, car ce mot est ancien en français (XVe siècle), mais sous l'influence de l'anglais attractive, il tend à remplacer les adjectifs attrayant et attirant.
Il y a des nuances :
Le hauvent ? Non. Il s'agit d'un auvent, sans h. On doit donc dire l'auvent. Google donne pourtant 5880 résultats pour le fautif hauvent, contre 130'000 résultats pour l'auvent. Seul ce dernier est correct.
On entend aussi parfois : la hanse du panier. Il faut évidemment dire l'anse (sans h). À ne pas confondre avec la hanse germanique (de l'allemand Hansa, alliance), ou ligue hanséatique, qui était l'association de villes marchandes autour de la mer du Nord et de la Baltique au Moyen-Âge.
Voir aussi, dans ma page prononciation, le problème du h aspiré.
Avéré signifie reconnu ou confirmé comme vrai, certain. Par exemple, l'erreur a été avérée, bien que cet usage soit un peu désuet. Plus courant : la complicité du prévenu a été avérée. S'avérer est à peu près synonyme de se confirmer.
S'avérer vrai serait un pléonasme, mais s'avérer faux est un barbarisme : il faut dire sa conclusion s'est révélée fausse.
Vous préparez une crème brûlée, ou un œuf dur ou à la coque. Dans le premier cas, il ne faut pas que la crème bouille, dans le cas de l'œuf au contraire, il faut que l'eau bouille avant de l'y plonger.
Il est étonnant de voir, y compris dans des recettes publiées sur internet, combien de gens ignorent la conjugaison du verbe bouillir (3e groupe).
Si vous en êtes encore à chercher un but, ou un objectif, vous n'êtes pas près de l'atteindre...
Ne recherchez donc pas votre but ou votre objectif : visez-le, et cherchez à l'atteindre.
Et au lieu de l'objectif qu'ils recherchent dites simplement leur objectif.
Pour atténuer une expression qui ne doit pas leur paraître totalement correcte, on entend les présentateurs de radio et de télévision dire « cela fait trois jours » au lieu de "ça fait". L'expression n'est pas vraiment incorrecte, elle n'est que négligée. Si l'on ne veut pas tourner la phrase dans l'autre sens : ils sont en grève depuis trois jours, on devrait dire voilà trois jours qu'ils sont en grève. Voilà. Sinon, on a l'impression d'entendre : un chien, ça fait dans le caniveau...
La belle chance que voilà !
Dites simplement: Il risque d'y laisser sa peau, ou il n'a que 20 % de chances de s'en sortir vivant.
En principe, il n'y a qu'un seul chef. Le Petit Robert désigne chef-d'œuvre comme la meilleure œuvre d'un auteur. Il ne devrait donc pas y en avoir plusieurs.
Clamer, c'est « manifester par des cris ». Il n'est certes pas impossible que le prévenu crie son innocence, mais dans la plupart des cas que vous lisez dans la presse, il s'agit ni plus ni moins d'une protestation, souvent sans violence.
Le journaliste devrait plutôt écrire : « Il a protesté de son innocence" ou peut-être : « Il a dit (ou répété) son innocence ».
Lisez ce que dit George Orwell : n'utilisez jamais une métaphore que vous avez vue imprimée. C'est généralement un cliché.
Voyez-vous Sa Sainteté Benoît XVI armé d'un maillet et de pieux, suant et soufflant, en train de planter une clôture autour des congressistes pour empêcher ceux-ci de s'échapper ? Voilà encore un coup sournois des verbes du troisième groupe (voir plus bas).
Il est en effet tellement plus facile de conjuguer le verbe clôturer, qui veut dire entourer d'une clôture, plutôt que le verbe clore, qui signifie fermer, terminer. Demain, dans le journal, on devra lire le pape a clos le congrès, et non pas clôturé...
Dans beaucoup de cas,pour éviter le problème, on peut utiliser le verbe terminer (par exemple la fête ou un débat). Sinon, on peut aussi prononcer la clôture d'une séance ou effectuer la clôture d'un compte.
Je ne vois pas ce que ce mot, qui est encore un anglicisme, ajoute au verbe colorier. Est-ce que parce que le coloriage est souvent ressenti comme une activité infantile ?
Selon Littré, colorier signifie appliquer des couleurs sur un objet. Colorier un dessin. Littré connaît cependant comme nous le mot colorisation : Terme de physique. Apparition d'une couleur quelconque. Terme de pharmacie. Changement de couleur qui arrive aux substances en diverses opérations de la nature ou de l'art.
En ce 11 novembre 2018, nous commémorons l'armistice de 1918. Pas son centenaire. Nous célébrons aujourd'hui le centenaire de cet armistice.
Compliqué ? Non, logique : on commémore un évènement, et on célèbre un anniversaire. On peut bien sûr célébrer une centenaire le jour de ses 100 ans.
Littré disait déjà en 1873 dans son fameux dictionnaire de la langue française : « conséquent pour considérable est un barbarisme ». Conséquent signifie, pour une personne, « qui agit ou raisonne avec esprit de suite », et aussi, pour une action ou un évènement, « qui fait suite à quelque chose ».
Suivons donc Littré et disons que cela lui coûtera une somme considérable.
Non. C'est le concert qui débute, pas le pianiste. Ou si c'est le pianiste qui débute, il ne commencera pas son concert avec un morceau de bravoure... Débuter est intransitif.
Dites plutôt: Le concert débuta par un cappricio. Ou encore: Le pianiste commença son concert...
Depuis que le brave Jean-Pierre Gaillard — qui vous disait toujours sur France-Info pourquoi la bourse avait baissé, mais jamais comment elle se comporterait dans les heures qui suivent — a été remplacé par un certain Jean-Yves Courtial, ce dernier commence (je n'ai pas dit débute) quotidiennement sa chronique par « La bourse a débuté la journée (ou la séance) par une légère baisse ». Lui aussi devrait apprendre la rection des verbes français.
Si le journaliste réfléchissait un peu à ce qu'il dit ou écrit, il sentirait la racine "décime", un dixième, dans le verbe décimer. Décimer veut dire supprimer un élément sur dix. La malheureuse famille tuée ce matin dans un accident de circulation n'a pas été décimée, elle a été anéantie. Dans d'autres cas, on pourrait dire détruite. Si au cours d'une bataille l'ennemi est décimé, il est probable que le reste de ses troupes aura du mal à faire face.
Dans le même ordre d'idées, l'expression coupe sombre signifie l'élimination de quelques éléments seulement, pas de la plupart : en forêt, lorsque vous pratiquez une coupe sombre, la densité des arbres n'est pas sensiblement modifiée. En revanche, si vous faites une coupe claire, vous abattez tant d'arbres que la forêt s'éclaircit.
Décrypter un message, c'est transcrire en langage clair un message rédigé dans une écriture secrète, chiffrée, dont on ignore le code. Champollion a décrypté l'écriture hiéroglyphique des Égyptiens.
Dans la pupart des cas, le terme décryptage est un cliché utilisé aujourd'hui à la place du mot simple explication.
Le journaliste voulait dire qu'elle était décidément mal à l'aise, car on peut espérer que son embarras ne durera pas éternellement. Définitivement est un anglicisme détourné : en anglais, on dit "she was definitely uncomfortable". Et après avoir transformé le "definitely" en "definitively" (ce qui n'est pas la même chose), le Français traduit ce mot par définitivement, ce qui est décidément une erreur.
Entendu dans la bouche de Pierrick Filippi. Encore un anglicisme. En anglais, "to deliver" signifie fournir ou livrer (la livraison se dit "delivery"). Délivrer, en français, signifie rendre la liberté, libérer. On peut néanmoins, par extension, délivrer une attestation, un certificat, ou un objet que l'on remet dans les mains de quelqu'un. Mais on fournit un service ou un produit, on ne le délivre pas, mais on peut le livrer.
Pour la façon la plus optimale, voir total. Un peu plus loin, Filippi parlait aussi d'un processus « très optimisé »...
Même problème que pour débuter. Démarrer est aussi intransitif. La campagne démarre, l'auto démarre, mais on ne démarre ni l'une ni l'autre. En revanche, on peut les faire démarrer.
On peut donc dire, au choix : Il a commencé sa campagne jeudi, ou Il a lancé sa campagne, ou La campagne du candidat a démarré, et Il a fait démarrer sa Traction à la manivelle.
Moi, je voyage, mais lui se déplace. Je voudrais bien savoir ce que ce « déplacement », qui n'est pas un bien joli mot, dit de plus. Dites simplement: Il est en voyage, ou à la rigueur en voyage d'affaires. Les Allemands ne connaissent que les "Geschäftsreisen", et les Anglais les "business trips". Je trouve déplacé le mot déplacement...
Déclaration d'une grande sportive française. Mais pourquoi derrière ? Elle veut dire
grâce à cela, par la suite, après, ensuite, par conséquent. C'est encore un mot paresseux, proche de la cheville, avec lequel on se dispense de la précision. Derrière est un adverbe de lieu, pas de temps ni de causalité.
Expression fort répandue, pas totalement condamnable, mais sémantiquement illogique : deux fois est un multiplicateur, pas un diviseur. Deux fois plus est acceptable, bien que l'on devrait plutôt dire «Le double», mais pour deux fois moins, il vaut mieux utlilser «La moitié», donc ici, par exemple : Vous l'avez à moitié prix, ou encore : Cinquante pour cent de réduction.
Voilà un exemple de style ampoulé: le verbe « avoir » est-il trop simple ?
Dites simplement: Cette société offre vingt nouveaux emplois. Dans les trois-quarts des cas, utiliser le verbe avoir est tout aussi clair, et beaucoup plus simple. Vous disposez de votre fortune comme vous l'entendez, ou vous disposez de quinze jours pour répondre à une mise en demeure, mais vous ne disposez pas d'un emploi: vous l'avez ou ne l'avez pas.
Ce double possessif est redondant. Autre exemple : c'est d'elle dont je vous ai parlé.
Je dirai donc plutôt c'est toi dont il s'agit, ou c'est de toi qu'il s'agit. Un seul génitif suffit. Et pour le second exemple : c'est d'elle que je vous ai parlé.
Autre exemple de double génitif trouvé dans le Nouvel Obs de la semaine dernière.
On peut dire au choix :
Échanger (sans objet). Habituellement, on échange quelque chose, des livres, des idées, un vêtement dont la taille ne convient pas. Mais ajourd'hui, on échange tout court... Un mot de novlangue qui ne me semble pas bien utile. On peut aussi bien dire discuter ou simplement se parler ou encore converser. Ici, il fallait dire : J'ai parlé à Sylvain.
Les mêmes considérations valent pour l'expression « partager » sans objet direct.
Empirer est un verbe intransitif : la situation empire, mais on ne peut pas l'empirer... La phrase ci-dessus a été malheureusement écrite ce jour par un journaliste de "Libération". Il aurait dû dire : « Ça ne fait qu'aggraver les choses ». Autres options : "déteriorer" (la situation), ou "envenimer" (le débat).
Entendu aux informations de Radio-Classique : son état s'est empiré. Empirer n'est pas non plus un verbe réflexif. Il fallait simplement dire : son état a empiré, ou éventuellement son état s'est déterioré.
Si je réponds: « Ton grand-père allait-il à la chasse en cheval ? » ou encore : « Sancho Pança suivait Don Quichotte en âne » on va me regarder de travers et penser : mais quel français ce type parle-t-il donc ?
Ça y est, vous avez deviné : quand on est dedans, on va en (voiture, autocar, train, avion), mais quand on est dessus, on va à (cheval, vélo, moto, skis). Pour le chameau, l'éléphant et l'âne, on dira plutôt:« à dos de chameau » etc. Donc, depuis qu'il y a une station de « Vélib » devant sa porte, il va au bureau à vélo.
Selon les dictionnaires, une escarcelle est une bourse, un portefeuille considérés du point de vue de l'argent qu'ils contiennent. On peut donc légitimement dire que les bénéfices de la vente de charité vont tomber dans l'escarcelle de la paroisse.
Pour les autres cas, on peut souvent utiliser le mot giron, qui veut dire au sens figuré: milieu, groupe où l'on se trouve en sécurité, sous l'autorité de quelqu'un. Dans l'exemple du début: des États républicains vont tomber dans le giron des démocrates.
En mathématiques, et en logique, on fait la distinction entre un inclusif (l'un ou l'autre, ou les deux, OR en algèbre de Boole) et un « ou » exclusif (l'un ou l'autre, mais pas les deux, eXclusive OR : XOR en algèbre de Boole). Voici les symboles de Venn correspondants :
Diagrammes de Venn
Dans le cas de notre guide, il est évident que s'il parle les deux langues, tant mieux. Il suffira donc d'écrire un guide sachant l'allemand ou le portugais.
Lorsque l'on veut cependant insister sur le caractère exclusif du choix, on pourra dire :
Évitons donc d'utiliser à l'écrit et/ou, que nous ne disons d'ailleurs jamais en parlant. Voir aussi sur Wikipedia : Disjonction logique et OU exclusif.
Vous ne pouvez plus voir un prospectus d'agence de voyages sans que l'on vous parle d'évasion. Vous ne pouvez plus entendre parler d'une grève sans que l'on vous dise que les usagers du train ont été pris en otage. Demandez à un prisonnier de guerre ce qu'il entend par évasion. Demandez à celui qui a été pris en otage par des terroristes ce que signifie pour lui le mot otage.
Ce sont, me direz-vous, des métaphores. Soit. Mais utiliser un mot ou une expression pour en affaiblir le sens est un mauvais service que l'on rend à la langue. Et répéter sans fin la même métaphore est pour le moins une faute de style. Voyez ce qu'en disait en 1946 l'écrivain britannique George Orwell.
Gagner la coupe du monde, c'est pas évident. Évident veut dire « qui s'impose à l'esprit ». Mais ici — c'est évident — le locuteur veut dire « ce n'est pas facile ». Dans quasiment tous les exemples que l'on entend, on devrait remplacer « pas évident » par « pas facile », ou « pas simple ».
Voilà encore une expression "politiquement correcte". Elle signifie simplement : ne mangez pas trop gras. Aujourd'hui, on n'ose plus enjoindre directement le citoyen de faire (ou surtout de ne pas faire) ceci ou cela. On lui propose donc d'éviter de traverser en dehors des clous, d'éternuer en public ou de jeter ses détritus sur le trottoir. Je préfère le langage direct, du genre « prière de ne pas fumer » (voir aussi « merci »).
Néanmoins, dans une acception actuelle, éviter veut aussi dire s'abstenir de faire ou s'efforcer de ne pas faire quelque chose : Évitez les dépenses inutiles (Larousse). L'expression n'est donc pas vraiment fautive, et je l'utilise bien dans le titre de cette page : Expressions à éviter.
Excessivement c'est à l'excès, c'est à dire trop. On n'est jamais trop sympathique, sauf en argot (il est trop, tout court). On peut donc rouler excessivement vite, ou payer un loyer excessivement cher, mais mon ami Paul est extrêmement sympathique et ce paysage est extrêmement beau, et non excessivement beau.
Encore une hyperbole que l'on entend quotidiennement. Tout explose aujourd'hui : le trou de la Sécu, le prix de l'immobilier, le succès de l'iPhone... Ce matin, c'était le prix du Nutella qui allait exploser : on attend une augmentation de 5 %. J'aurais admis le terme si le prix devait tripler, mais quelques pour cent ne sont pas une explosion.
Comme toute métaphore, celle-ci était peut-être savoureuse la première fois qu'elle a été prononcée à bon escient (pas comme le Nutella), mais elle est devenue poncif, et l'on se lasse vite d'entendre des exagérations assorties de clichés.
Exploser est un verbe intransitif : un obus explose. Tant qu'il s'agit d'argot, je n'ai pas d'objection, mais on n'explose pas un colis suspect à l'aéroport, on le fait exploser.
On devrait dire uxoricide. En effet, il ne s'agit pas du meurtre d'une femme quelconque, mais d'une épouse ou d'une concubine. Le mot uxor, en latin, désigne l'épouse, pas une femme en général. Les dictionnaires mentionnent néanpoins que le mot uxoricide est rare. J'ajouterai que pour ceux qui ignorent le latin, ce mot sera difficilement compréhensible.
Est-ce que tous les adversaires de ce champion de tennis ont déclaré forfait dès le début des matchs ? Aurait-il gagné sans toucher une seule balle ?
Le mot férir (qui n'existe plus que dans cette expression, et dans l'adjectif féru) vient d'un mot latin (ferire) signifiant frapper. Sans coup férir veut donc dire : sans porter de coups, sans combattre. Par extension, sans résistance, facilement. L'appliquer dans un contexte où le principe même de l'action est une joute ou un combat, est donc bien mal à propos.
On pourrait dire : sans résistance, facilement, avec sa maîtrise habituelle, sans trop de tracas, que sais-je. Simplement, il est clair qu'il a combattu, et qu'il a gagné, mais pas sans coup férir.
On fait de l’adjectif final un substantif dans la construction « au final », grammaticalement fautive, qui se répand sans que rien ne la justifie. C'est une mauvaise traduction du latin in fine ou de l'anglais in the end, at the end of the day, construite par analogie à « au total ». En français, on peut dire, au choix : finalement, enfin, pour finir, en dernier lieu, en dernière analyse, en somme, en fin de compte, au bout du compte, en définitive, en conclusion... Une fois encore, la palette est large. Le français est une langue épatante pleine de nuances et de possibilités.
Commentaire inspiré d'articles du "Monde" et de l'Académie française (voir le lien sur la page suivante).
Le futur est surtout un terme grammatical, comme l'imparfait ou le passé simple. La langue allemande utilise deux mots distincts : Die Zukunft pour l'avenir, et Das Futur pour la grammaire. L'anglais n'en a qu'un seul : The future.
La France n'a plus d'avenir. Non, je ne suis pas défaitiste ou résigné. C'est seulement le mot avenir qui semble avoir disparu du langage. Presque tout le monde utilise maintenant le mot futur, qui est — au sens d'avenir — un anglicisme caractérisé. Parlez de l'avenir de votre entreprise (ou de la France), plutôt que de son futur. De même, dites "à l'avenir" plutôt que "dans le futur".
Encore un mot de novlangue, issu de l'anglais. Ce verbe ne dit rien de plus que ceux qu'il remplace souvent aujourd'hui : créer, engendrer, produire, provoquer, susciter.
Le gourmand, c'est "celui qui aime la bonne cuisine, qui est exigeant en matière de nourriture". Ce n'est donc pas le dessert qui est gourmand, mais celui qui le mange.
Et pourtant, vous pouvez lire ça sur la moitié des paquets de biscuits que vous trouvez au supermarché. Si "Le dessert des gourmands" fait sans doute un peu ringard, pourquoi ne pas ré-utiliser la gourmandise, ou mettre "Réservé aux gourmands". Plus simplement, le dessert peut être savoureux, délicieux, appétissant.
Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? On ne parle plus de handicapés, mais de personnes en situation de handicap. Je ne vois pas bien où est la différence, sauf qu'il faut dix syllabes au lieu de quatre...
Dans le même ordre d'idées, il semble que l'ion ne puisse plus parler d'un aveugle ou d'un sourd, mais qu'il faille dire non-voyant ou malentendant, comme si ces circonlocutions pouvaient atténuer leur handicap.
Helvète est un nom commun, et helvétique l'adjectif correspondant. C'est une exception, car pour la plupart des pays, il n'y a pas de différence : on écrit un Français, un Belge, un Allemand lorsqu'il s'agit d'un citoyen, et l'esprit français, l'accent belge et la rigueur allemande (sans majuscule initiale) quand il s'agit d'un adjectif.
Mais les Suisses ont un autre tour dans leur sac : lorsqu'il s'agit de femmes, ce sont des Suissesses, comme on dit des Françaises ou des Allemandes. Il aurait donc fallu dire : La justice helvétique a arrêté la coupable, une Suissesse de 38 ans. La Suisse ne désigne que le pays, qui s'appelle d'ailleurs officiellement Confédération helvétique (pas helvète).
Pour les Belges, c'est évidemment encore plus simple...
C'est encore un anglicisme : en français, ignorer veut dire « ne pas savoir ».
En réalité elle a feint de ne pas me connaître ou elle a fait comme si je n'étais pas là. Une traduction de "Facts do not cease to exist because they are ignored" (Aldous Huxley) pourrait être « Les faits ne cessent pas d'exister parce que l'on ne leur prête pas attention ». Dans les textes de l'informatique, on trouve souvent l'alternative « accept/ignore », qui est malencontreusement traduite par « accepter/ignorer » au lieu de « accepter/refuser »
Je reconnais néanmoins qu'ignorer étant plus concis, cette acception est passée dans les mœurs. Voir aussi ma rubrique faux-amis.
Qand une expression est un peu compliquée, il faut y regarder à deux fois. Il y a ici une sorte de double négation : ignorer, c'est ne pas savoir. Donc ne pas ne pas ignorer, c'est ignorer.
La personne qui parle voulait dire : « Vous savez ». Mais ce qu'elle dit en réalité c'est : « Vous ignorez ». Il y a plus de cinquante ans, mon père, fin connaisseur de la langue française, avait déjà noté cette incongruité. N'utilisons donc pas une expression compliquée, qui est ici offensante, quand une expression simple serait de mise : « Vous savez ».
Bientôt, ils diront "j'ai été très impacté par le décès de mon neveu"... Le verbe impacter — qui n'existe dans aucun dictionnaire à ce jour (2006) — est un emprunt malheureux à l'anglais, où d'ailleurs il n'existe pas non plus dans ce sens, mais qui est devenu un "buzzword" (à la mode). J'en parlais déjà il y a quelque temps dans mon chapitre en anglais sur cette même page. Dans son roman de 2012 « À moi seul bien des personnages » John Irving écrit: « Quand j'entends les mêmes personnes utiliser le verbe impacter, j'ai envie de vomir. » *
Dites plutôt: affecter, ce qui vaut à la fois pour les résultats de l'entreprise et pour la mort de l'un de mes proches. Dans de nombreux cas, on peut aussi dire encore plus simplement toucher. Voir le verdict de l'Académie Française.
* En anglais : "When I hear the same persons use impact as a verb, I want to throw up." L'expression est donc bien fautive dans les deux langues !
C'est à nouveau un anglicisme. Il est récent : mon Petit Robert, qui date de 1973, n'en a pas trace. Ce mot est inutile, comme son substantif implémentation. En français, on dit que le gouvernement va mettre en place, ou mettre en œuvre de nouvelles mesures, avec les substantifs correspondants mise en place etc.
Ne pas confondre avec implanter, qui a un sens voisin et est parfaitement français : la Croix-Rouge a implanté de nombreuses antennes au Moyen-Orient.
Pure paresse : le mot important est aujourd'hui employé par ceux qui ne font pas l'effort d'un minimum de précision. Important veut dire "qui a du poids, de l'importance". Mais on l'utilise à toutes les sauces au lieu de grand, long, élevé, fort, considérable. Soyons clairs et précis !
Ne dites pas un bâtiment de taille importante, mais : un bâtiment de taille imposante, ou simplement de grande taille.
Ne dites pas les travaux auront une durée importante, mais : les travaux dureront longtemps.
Ne dites pas la montgolfière atteignit une altitude importante, mais : une altitude élevée.
Ne dites pas l'homme a aujourd'hui un âge important, mais : un âge avancé.
Ne dites pas la tempête se calme, nous aurons demain des vents moins importants, mais : des vents moins forts.
Ne dites pas c'est une somme importante, mais : une grosse somme, ou une somme considérable.
En résumé, chaque fois que vous allez écrire ou dire "important", demandez-vous si un adjectif plus précis ne serait pas préférable.
Je sais pas si c'est de l'argot ou de la «novlangue». C'est assez imagé, peut-être cela signifie-t-il «qui s'imprime dans nos cerveaux». En tout état de cause, on pourrait dire plus classiquement il n'y a rien qui ressort.
Le verbe existe bien dans le «Petit Robert», qui le date de 1945. Il m'agace pourtant les oreilles, sentant — ici encore — l'anglicisme à plein nez. Dans la phrase ci-dessus, on pourrait fort bien le remplacer par créer, puisque la dynamique comporte déjà l'idée de mouvement. On pourra aussi dire animer, stimuler ou éveiller.
Initier quelqu'un à quelque chose, c'est le faire pénétrer dans un nouveau domaine. On initie une personne, pas une action. Ici, le ministre va engager des pourparlers avec les syndicats ou un représentant étranger. Dans d'autres cas, on pourra commencer une discussion ou un processus, ou lancer des débats. Initiation n'est pas un simple synonyme de commencement ! Voir aussi débuter.
Et le Premier Ministre (François Fillon) s'empresse de qualifier le dernier attentat en Corse en ajoutant : un acte de délinquance. Dans le jargon journalistico-politique d'aujourd'hui, il semble qu'inqualifiable veuille dire : regrettable, délictuel, criminel, condamnable, offensif. Alors, messieurs les journalistes et les politiciens, n'ayez pas peur des mots : qualifiez plus précisément ces actes que vous dites inqualifiables. Évidemment, ça vous coûtera un petit effort d'expression.
On interroge en général une personne, ou l'on s'interroge soi-même. Au sens figuré, on peut interroger sa mémoire, ou l'histoire.
Il faudrait dire ici : elle s'interroge sur le bien-fondé de la décision, ou mieux : elle met en doute son bien-fondé. Je pense que cette nouvelle acception du verbe interroger est un anglicisme. On dit en effet en anglais "I am questioning the validity of this decision".
Non ! La Providence est intervenue, ou Dieu, ou peut-être simplement un médiateur. Le ministre est intervenu à la tribune. L'accord, lui, n'est pas intervenu, il n'est que le résultat de l'intervention ou de la médiation.
Dites simplement: Un accord a été conclu, ou signé, ou trouvé. S'il s'agit d'un tremblement de terre ou d'une manifestation d'ouvriers, dites que l'évènement s'est produit ou qu'il a eu lieu. La police, elle, est bien intervenue au cours de la manifestation pour en écarter des fauteurs de trouble...
Survenir est différent : on peut fort bien dire que des incidents sont survenus en fin de séance, ou que le tremblement de terre est survenu vers minuit. En bref une personne intervient, et un évènement survient.
Il y a ici une confusion entre l'expression «loin de là» et l'expression «il s'en faut de beaucoup», ou «tant s'en faut». Vous pouvez donc utiliser l'une de ces trois dernières, mais pas «loin s'en faut».
Le «mais pas que» indique que le fruit a d'autres caractéristiques, positives ou négatives. En un français plus châtié, on dirait «mais pas seulement». C'est un raccourci populaire, mais d'un langage négligé.
Les termes de maman et papa devraient à mon avis être réservés à l'intimité de la sphère familiale. Est-ce pour être plus populaires que les journalistes utilisent aujourd'hui ces mots au lieu de père et mère ? C'est au contraire un manque de respect. Le Pater Noster français ne dit pas «Notre papa qui es aux cieux...»
Ce n'est peut-être pas un oxymore, mais c'est assurément un barbarisme... Veut-on dire «réduire le plus possible», c'est à dire à la valeur la plus basse possible ? Ce serait donc équivalent à «réduire au minimum». Depuis quand le maximum et le minimum veulent-ils dire la même chose ?
On peut dire réduire au minimum, mais dites plutôt diminuer (ou réduire) le plus possible. Dans beaucoup de cas, ceci s'applique aussi au verbe limiter.
De même, on peut augmenter au maximum, mais pas augmenter au minimum — sauf cas particuliers, comme le minimum vital. Dans ce cas particulier, on pourra dire augmenter jusqu'au minimum vital, mais dans le cas général il vaudra mieux, ici aussi, augmenter le moins possible.
La poissonnière du marché, en prenant l'argent que je lui dois, me dit «merci à vous». Le «à vous» est inutile, puisqu'il est clair qu'elle s'adresse à moi. Deux cas seulement pourraient justifier ce «à vous» :
Vous me remercierez une fois que vous aurez reçu le document en retour. Auparavant, vous devez me prier de vous le renvoyer. «Merci de...» est une injonction que je trouve comminatoire ou du moins autoritaire. Dites plutôt Nous vous prions de nous le retourner, ou même Prière de nous le retourner. Si vous voulez vraiment être courtois, vous pouvez dire Nous vous saurions gré de nous le retourner. Vous pouvez toujours ajouter et nous vous en remercions par avance.
En revanche, merci de m'avoir si bien reçu hier soir est tout à fait juste, puisque l'évènement est passé.
Ceci est une malheureuse litote. En réalité, la tempête a fait d'énormes degâts. Je réserverais le non négligeable pour des cas moins spectaculaires, par exemple : ce placement immobilier offre un avantage fiscal non négligeable, ce qui ne veut pas dire énorme, mais simplement digne d'intérêt.
L'expression, en vogue dans les années 1970-80, ne s'applique normalement qu'à une notion de hauteur ou d'altitude, pas à un état. C'est encore un de ces mots passe-partout qui évitent au locuteur de trouver la préposition adéquate. On devrait dire ici : « J'ai un problème de carburateur, ou avec mon carburateur ». Voir aussi par rapport.
Voilà encore un anglicisme : le verbe nominer n'existe pas en français. Le substantif nomination existe cependant, mais il se rapporte au verbe nommer (par exemple à un poste). Et les journalistes ont tort de dire que Gwendoline a été nommée aux oscars pour ne pas utiliser le participe nominée. Les candidats ne sont pas nominés ni nommés, ils sont simplement sélectionnés.
L'opportunité, c'est le fait d'être opportun. Par exemple, lorsque vous contestez l'opportunité d'une décision, vous exprimez que ce n'est pas le moment de la prendre.
"De nouvelles opportunités se présentent à nous" est un anglicisme. Il faut dire de nouvelles occasions. D'ailleurs, ce sont peut-être même des chances...
Il semble à beaucoup que si le mot est plus long, plus compliqué, il est préférable à un mot court et simple. C'est précisément ce contre quoi je m'élève tout au long de cette page.
Ce mot, pourtant d'invention récente dans son acception venue de l'anglais, a littéralement envahi la langue et supplanté les occasions et les chances de naguère. Je le trouve fort laid.
Les deux expressions sont des pléonasmes. Le préfixe «pan» provient du grec πᾶν et veut dire «tout, entier». Il faut donc simplement dire :
Cas 1
Gwenaëlle: «J'ai rien compris au cours, et toi Thibaud ?»
Thibaud: «Pareil».
Cas 2
Vanessa (à Ludivine): «Regarde Jordan, il est habillé pareil que Ludovic, ça craint un peu...».
Dans le cas 1, la réponse correcte devrait être «moi non plus».
Dans le cas 2 on devrait dire «ils sont habillés de façon identique». Je reconnais que c'est plus long que «pareil», mais c'est moins vilain. Disons tout simplement: «Regarde Jordan, il est habillé comme Ludovic.» Ça dit la même chose, c'est encore plus court et ça ne contient aucune ambiguïté. Je me demande si les gens ont peur d'utiliser des expressions simples...
Je n'ai rien contre «ça craint». C'est de l'argot, mais c'est imagé, un trait intrinsèque à l'argot...
Là, je n'ai pas vraiment de théorie sur l'origine du barbarisme.
On ne part pas «à Berlin», mais on part pour Berlin. On peut la plupart du temps aussi bien dire «Demain, je vais à Berlin», sans perdre beaucoup de sens, si ce n'est le fait que partir donne une idée de distance et de temps qu'aller ne contient pas. Curieusement, on «part» beaucoup moins en anglais ou en allemand, on «va» plutôt.
Mais pour être complet, en allemand ou en anglais on va en avion (ich fliege nach Berlin, I fly to Berlin) ou en voiture, ou en train (ich fahre nach Berlin) ce que le français ne traduit souvent pas. En espagnol, on part aussi «pour»: salgo para Berlín.
Un périple est un voyage circulaire en mer. Du grec περί (autour) et πλέω (naviguer), correspondant au mot circumnavigation d'origine latine. Je ne sache pas que l'on puisse faire — surtout à bicyclette — un tour du monde maritime de Colmar à Carcassone. Aujourd'hui, il est accepté qu'un périple ne soit pas nécessairement maritime, mais il reste circulaire.
Ces cyclistes ont donc fait une expédition, un long trajet, ou tout simplement un voyage de l'est au sud-ouest de la France.
Naguère, il m'aurait appelé au niveau de Sylvie. Ce n'était pas mieux, et heureusement l'expression "au niveau de" qui avait fait florès dans les années 1970-80 a maintenant largement disparu. Mais depuis peu, "par rapport à" a surgi pour la remplacer, et inonde actuellement les discours. Il faut croire que l'usage de locutions ou de prépositions simples ne satisfait pas, et qu'il faille utilliser des expressions verbeuses, souvent mal à propos.
Il fallait dire : «Je t'appelle au sujet de Sylvie», ou «à propos de Sylvie», ou même, plus court : « Je t'appelle pour Sylvie ». « Par rapport à » implique une comparaison, par exemple : «Tu es un bon photographe par rapport à moi», ou «la Russie est immense par rapport à la France». S'il n'y a pas de comparaison, il n'y a pas de rapport, à moins que l'on ne dise «en rapport avec», ce qui est grammaticalement correct, bien qu'un peu lourd.
Autre exemple entendu : « Elle se fait du souci par rapport à sa santé ». Ici encore, on pourrait dire « au sujet de sa santé », ou « pour sa santé ». De même, au lieu de « j'ai un problème par rapport à ma voiture », dites simplement : « j'ai un problème avec ma voiture. Il semble que ce "par rapport à tende à remplacer plus ou moins n'importe quelle préposition. Restons simples (voir chevilles) ci-dessous. Cependant, le choix de la bonne préposition exige un minimum d'agilité mentale. Dans ce sens, « par rapport à » est un signe de paresse intellectuelle...
Mauvais point pour François Hollande : dans son débat avec Nicolas Sarkozy le 2 mai 2012, il a utilisé six ou sept fois «par rapport à» dans un contexte où une préposition simple aurait été de mise.
Voir ce qu'en dit l'Académie française.
Un autre cliché, répété à qui mieux mieux depuis que quelqu'un, par plaisanterie, l'a dit la première fois pour signifier « mais il n'y a pas que cela ». À proscrire et remplacer par : « C'est un homme énergique, mais pas seulement ».
L'informatique nous change la vie, mais requiert une certaine rigueur. Le journaliste de France-Info dit parfois tapoter au lieu de pianoter. Dans les deux cas, vous n'aurez aucune chance d'aboutir. Voici les définitions correspondantes :
Tapoter : taper négligemment à petits coups répétés.
Pianoter : jouer maladroitement on distraitement du piano, en dilettante.
Si vous tapez quoi que ce soit maladroitement, négligemment ou distraitement, vous n'obtiendrez pas un résultat rigoureux. Avec un ordinateur — du moins à présent — si vous faites quelque chose négligemment, le système répond en général par une réaction agaçante et ne comprend pas ce que vous voulez. Ne pianotez pas ni ne tapotez, donc, mais tapez proprement sur votre clavier.
Pire est un comparatif de l'adjectif mauvais : la pire solution, cette option aura des conséquences pires que la précédente. Moins est aussi un comparatif. On ne peut pas utiliser les deux en même temps. Il faut donc dire : «la solution la moins mauvaise», ou «la conséquence la moins grave».
L'expression «Le moins pire» a probablement été utilisée initialement comme une plaisanterie linguistique. C'est encore un exemple de cliché à éviter absolument.
On lui avait passé les menottes pour ne pas qu'il s'échappe. On aurait pu dire «pour ne pas le voir s'échapper». Et aussi, «pour qu'il ne s'échappe pas». Mais «pour ne pas que» me paraît incorrect, même si je viens d'en voir un exemple dans le «Nouvel Observateur».
Dans le même ordre d'idées que « disposer de » : le verbe « avoir » en dit tout autant. Dites : Le Paris-Saint-Germain a quatre points d'avance. Si j'ai cinq minutes de retard, je ne les possède pas. Quand j'avais vingt ans, je ne les possédais pas (mes vingt ans) non plus. J'aimerais posséder un château en Anjou, ou un compte en banque rondelet.
Le risque, par définition, signifie que le danger peut se produire, mais ce n'est pas sûr. L'épithète potentiel est donc superflu. Dans le second cas, le verbe pouvoir potentiellement est aussi un pléonasme. Il faudrait dire simplement :
Cette solution comporte un risque, et Elle pourrait être dangereuse, ou elle est potentiellement dangereuse.
Le ppm (partie par million ou 10-6) est une unité sutout utilisée dans le monde anglo-saxon.
En réalité, Le ppm n'est pas une unité de mesure, c'est une fraction, comme le pour cent % (un centième) et le pour mille ‰ (un millième). Il faudrait au moins, en général, préciser s'il s'agit d'une valeur en masse (ppmw) ou en volume (ppmv). Mais dans la plupart des cas, on devrait plutôt parler de concentrations en mg/kg ou en µL/L. Cette réflexion s'applique aussi au ppb (part per billion = partie par milliard 10-9) au ppt (10-12) et au ppq (10-15).
C'est évidemment un pléonasme : on ne peut prévenir qu'à l'avance. Prévenir, c'est précisement annoncer un évènement, un risque à venir. On pourrait toutefois dire : il leur a signalé à l'avance qu'une tempête approchait. Signaler peut en feffet s'appliquer à quelque chose du passé, du présent ou du futur.
Dites simplement : il les a prévenus de l'imminence d'une tempête.
Cette remarque s'applique aussi au verbe prévoir, qui veut justement dire «voir à l'avance». On ne prévoit pas à l'avance, on prévoit tout court.
Même Nostradamus, qui a tout prévu pour les siècles à venir, et depuis plusieurs siècles, est incapable de prévoir un parapluie. Vous pouvez, comme lui, prévoir le temps qu'il fera le 13 juin 2034, et vous aviser qu'il sera sage ce jour-là de prendre un parapluie.
Dites alors simplement : prenez un parapluie.
L'Académie Française condamnait en 2018 ce néologisme comme un barbarisme. La Banque de dépannage linguistique du Québec prend en revanche la défense de ce mot. En effet, la formation de ce verbe est régulière, analogue aux couples réalité/réaliser, rivalité/rivaliser, immortalité/immortaliser, etc.
Si l'on veut éviter le néologisme, on est obligé d'utiliser une circonlocution : Le gouvernement va réviser ses priorités de réformes, ou les classer par ordre de priorité.
Communiqué du CEA* : « Le projet va contribuer à résoudre certaines problématiques liées à l’insertion. » Un journaliste : «La problématique des retraites est complexe.»
Dès 1998, j'avais relevé dans cette même rubrique l'usage douteux du substantif "Problematik" en allemand. Depuis environ 2003, on l'entend de plus en plus en français. Problématique est le plus souvent un adjectif (l'issue de ce conflit est problématique). Son acception comme nom commun est toutefois reconnue comme "ensemble de problèmes dont les éléments sont liés" (Petit Robert), mais le mot est aujourd'hui utilisé abusivement là où le problème ou le sujet suffiraient amplement. De plus, non contents d'utiliser un mot qui «fait moderne», certains le mettent au pluriel : les problématiques du futur. De grâce, une fois encore, restons simples, et disons le problème des retraites, ou les problèmes de l'avenir .
Voir aussi thématique.
* CEA: Commissariat à L'Énergie Atomique.
Si la logique de cette phrase était vraiment observée, cela voudrait dire que vous auriez à payer 50 % de plus ! C'est en effet une sorte de double négation. Bien entendu, tout le monde comprendra qu'il s'agit de payer moitié prix. Le "moins" est inutile et même incorrect. Il faut donc dire Darty vous offre un rabais de 50 %.
Je me rappelle de ce jour-là est incorrect. Dites : Je m'en souviens. On se rappelle quelque chose, et l'on se souvient de quelque chose. La méthode pour s'en souvenir est simple : rappeler est comme appeler, transitif (j'appelle mon chien, je rappelle ton chien Médor) donc je me rappelle ce voyage à Venise, tandis que souvenir est intransitif comme venir (je viens de Paris), donc je me souviens de Venise.
On dira en conséquence «la date dont je me souviens», et pas «dont je me rappelle», mais «la date que je me rappelle».
Se réaliser, c'est devenir concret, réel. On réalise un vœu, un projet. L'expression ci-dessus est un anglicisme. En bon français, il faut dire « Je me suis rendu compte » que j'avais tort. Selon l'Académie française, c'est une expression à éviter.
On pourrait croire qu'elle venait d'en sortir, et qu'elle y avait oublié son sac à main. Mais non, la plupart du temps, elle n'est qu'entrée dans le cinéma pour y voir un film. Pour rentrer quelque part, il faut d'abord en être sorti...
Dites simplement: Elle est entrée dans le cinéma.
Ici, il s'agit d'une difficulté de la langue française parlée, qui exige la liaison d'un mot se terminant par une consonne avec le mot suivant commençant par une voyelle: il faudrait dire «elle est [t] entrée" mais "je suis [z] entré». Évidemment, si tout le monde «rentre», ça règle le problème des liaisons. Voir aussi ma page sur la prononciation du français, et en particulier du phénomène «Euro».
On entend même parfois ce barbarisme : ayant oublié son parapluie, elle est re-rentrée dans le magasin.
Bien que le substantif correspondant soit la réouverture, le verbe correct est rouvrir et non réouvrir. Le Petit Larousse mentionne depuis 2017 la variante réouvrir, mais pas les autres dictionnaires. J'attends donc impatiemment la fin de la pandémie, afin que les restaurants puissent rouvrir.
Pour rester dans le domaine sportif...
Rescapé : selon le Petit Robert, personne qui a échappé à un accident, à un sinistre, une catastrophe. Utiliser ce mot pour ceux qui n'ont pas abandonné le Tour de France serait une métaphore si cette utilisation était exceptionnelle. En devenant un cliché, le mot est aussi devenu impropre. Ici, on pourrait dire (coureurs) vaillants.
Dans le même esprit, voir aussi otage.
Quant à Tricolore, voir ma page "réactions". D'ailleurs, et c'est un curieux barbarisme, ces Tricolores sont aussi souvent appelés les Bleus...
Encore un fourre-tout commode, paresseux, légèrement menaçant mais politiquement correct. On entend tous les jours «Je vais prendre mes responsabilités si...» ou «Il doit prendre ses responsabilités». Le locuteur ou le journaliste utilise cette expression vide pour ne pas avoir, par crainte ou par paresse, à définir ce qu'il faut faire : démissionner, faire acte de candidature, saisir les tribunaux, que sais-je. Au lieu de dire "je vais prendre mes responsabilités", dites «Je vais quitter le parti», «Je serai candidat à l'élection présidentielle», «Je vais vous traîner en justice». Soyez clair !
Dans une moindre mesure, cette remarque s'applique aussi à l'expression «en tirer les conséquences», où il serait souvent bon de décrire les conséquences en question.
Un vilain anglicisme. En anglais, on dit "it doesn't make sense". Et voilà que les Français et les Allemands ("es macht keinen Sinn"), emboîtent bêtement le pas à nos amis anglo-saxons. L'expression n'existait pas il y a quarante ans (cliquer sur le graphique). On doit dire simplement «ça n'a pas de sens».
Un séisme est un ensemble de secousses occasionnées par une déformation de l'écorce terrestre. Une secousse sismique est donc un pléonasme. On devrait plutôt dire une secousse tellurique. Néanmoins, le «Petit Robert» admet que l'on peut parler de secousses sismiques pour évoquer un tremblement de terre. L'erreur est donc bénigne.
Depuis quand les légumes parlent-ils ? Soi-disant signifie « qui prétend être ». Le légumes ne prétendent rien, c'est le marchand qui veut faire croire à une qualité non avérée. Il faut donc dire : « Ces légumes prétendus bio » ou « prétendument bio ». En revanche, on peut dire d'un homme qui a usurpé une fonction : « Le soi-disant capitaine n'était en réalité que sergent. »
C'est un pléonasme : somptuaire veut dire "relatif aux dépenses". Dans l'antiquité romaine, les lois somptuaires (leges sumptuariae) combattaient le luxe excessif et réglaient la dépense. En 1660 en France un édit somptuaire interdit le port d'aucune étoffe d'or ou d'argent, fin ou faux etc... L'erreur provient évidemment de la confusion avec le mot somptueux.
Il vaut mieux dire des dépenses fastueuses, ou ostentatoires, ou encore des dépenses d'apparat.
Cette expression a remplacé depuis quelque temps le « pas de problème ! » qui sévissait (et sévit toujours en parallèle) depuis une trentaine d'années. C'est une expression "fourre-tout" qui, si l'on veut bien étudier les locuteurs, ne signifie pas grand-chose, mais a souvent un double sens :
Dans ce second cas, il vaut mieux dire « je vous en prie » ou familièrement « pas de quoi » pour indiquer que le service rendu ne m'a pas coûté beaucoup. Et dans le premier cas, il n'est souvent pas nécessaire de rajouter quoi que ce soit à une assertion, ou alors, quelque chose du genre « c'est évident » ou « je vous l'assure ». Dans tous ces cas, il n'est pas besoin de créer un problème ou de se faire du souci, tous deux inexistants...
*Pour les non-francophones: « ya pas » est un raccourci pour « il n'y a pas ».
Bien que fort répandue, cette expression est un raccourci peu élégant. On devrait plutôt dire "Faisant suite à" ou "Donnant suite à", ou mieux encore "À la suite de" notre entretien...
Que l'on me dise pourquoi je viens à Paris ne suffit pas. Encore un exemple de "trendy language" (ça fait bien). Ou peut-être vous déplacez-vous en ballon dirigeable ?
Voir un article de Maître Capello rapportant en 2007 une réponse de l'Académie française à ce sujet.
Quant à la seconde expression, le journaliste voulait dire : « Nous en avons une autre vision ». Dans beaucoup de cas, on devrait remplacer « être sur...» par « avoir », tout simplement.
La préposition sur tend à remplacer, par paresse, toutes sortes de tournures plus précises, plus simples et plus élégantes, et ce barbarisme est devenu une épidémie.
En ces temps de frimas, je ne sais s'il s'agit ici d'une faute de langage ou d'une méconnaissance de la physique. Le zéro de notre échelle (celle de Celsius) a été arbitrairement fixé à la température de congélation de l'eau. S'il fait –10 °C à Paris, les États-Uniens (les seuls à toujours utiliser l'échelle de Fahrenheit) convertiront et trouveront (+)14 °F, car chez eux la glace fond à 32 °F et l'eau bout à 212 °F.* Ce qui est "négatif" pour certains Français est positif pour eux... L'échelle scientifique de température (Kelvin) place d'ailleurs le zéro (dit "zéro absolu") à –273.15 °C. Tout est donc relatif, et physiquement il n'existe pas de température négative, ni d'ailleurs de temps, de masse ou de longueur négatifs.
Il faut donc dire: la nuit prochaine, nous aurons des températures en dessous de zéro (sous-entendu, °C).
J'ai aussi entendu, alors que la température était passée de 12 à 24 °C en une journée : La température a doublé en 24 heures. C'est évidemment absurde. Si elle était passée de –5 à +5 °C, qu'aurait-on dit ?
À propos d'échelle de température (°C), il faut d'ailleurs éviter le terme degré centigrade; l'expression correcte est degré Celsius.
* Le zéro °F correspond à –17.77 °C.
Encore un pléonasme manifeste : une semaine est forcément du temps. Il suffit de dire «Ils y parvinrent en deux semaines».
Le magazine "ELLE" traite aujourd'hui de la thématique du mariage.
Voir problématique, ci-dessus : le thème ou le sujet paraissent insuffisants. Plus le mot est long, plus il impressionne, semblent se dire les rédacteurs.
Plus blanc que blanc, raillait Coluche... Ça me rappelle "die optimalste Lösung" (la solution la plus optimale) relevée par Bastian Sick. Comme si un dénuement total (ou le total de votre addition au restaurant) pouvait être plus que total, comme si l'on découvrait un univers plus infini que le nôtre.
Total, maximum, optimal, dernier, infini, le meilleur, sont le degré ultime. Il ne peut donc y avoir quelque chose de plus maximum ou de plus total. Il suffit donc de dire qu'il est mort dans un dénuement total.
Le 26 décembre 2004, une vague gigantesque submergea les côtes de plusieurs pays d'Asie, où périrent des milliers de personnes. Voir ma réaction, un mois plus tard, le 29 janvier 2005. Avant cette date, personne ne connaissait le mot tsunami.
L'expression française pour décrire ce phénomène est un raz-de-marée, tel qu'il se produisit aux Pays-Bas en janvier 1953 avec plus de 2500 morts. Je ne vois pas l'intérêt d'utiliser un mot japonais lorsqu'il existe un terme français.
Ah bon ! les blessés ne sont donc pas des victimes ? Mais si, bien sûr. Il fallait donc écrire: il a fait 149 morts et 300 blessés (ce qui fait 449 victimes).
À volonté signifie si l'on le veut (oui ou non). Il faut dire plutôt : Buffet à discrétion quand il y a une notion de quantité (autant que vous voudrez).
Il est vrai que les verbes du troisième groupe sont souvent plus difficiles à conjuguer que ceux du premier groupe. C'est pourquoi on entend trop souvent:
Patienter au lieu d'attendre ; solutionner au lieu de résoudre ; clôturer au lieu de clore ; et même émotionné au lieu d'ému.
C'est ce que j'appellerai à nouveau une "paresse langagière", comme l'usage de rentrer décrit plus haut. Le mot en rouge n'est le plus souvent justifié par aucune nuance de sens. Certains croient cependant que "Patientez quelques instants" est plus acceptable pour l'interlocuteur que "Attendez quelques minutes".