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16 Mar 2022

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Méthodes de régénération
d'une colonne d'échangeurs d'ions

Introduction

La plupart des résines échangeuses d'ions sont utilisées en colonnes. Le procédé d'échange d'ions est, par essence, discontinu : une phase d'épuisement (ou de saturation) est suivie d'une phase de régénération des résines épuisées. Il y a deux méthodes principales de régénération :

Nous donnerons aussi des informations sur les quantités de régénérants (ratio de régénération), sur la régénération en série, sur les types, concentrations et température des régénérants, et le cas particulier des solutions non aqueuses. Des pages séparées contiennent des données sur la qualité de l'eau à utiliser pour la régénération, et (en anglais) sur la neutralisation des régénérants.

Voir aussi les pages traitant de la capacité d'échange, des types de colonnes, description d'un cycle complet et des principes de dimensionnement (ces deux dernières en anglais).

Régénération à co-courant (CFR)

Cette technique est la plus ancienne : la solution à traiter passe du haut vers le bas de la colonne, et la solution régénérante passe dans le même sens.

Le problème est que les résines fortement acides et fortement basiques ne sont pas converties totalement sous la forme H et OH respectivement à la fin de la régénération, car une conversion complète exigerait des quantités très grandes de régénérant. Il en résulte que les couches inférieures du lit de résine sont peu régénérées, alors que les couches supérieures le sont très bien. Au début de la phase d'épuisement suivante, la fuite ionique est élevée, car les ions non éliminés au bas de la colonne sont déplacés par les ions H+ (ou OH) produits par l'échange d'ions dans les couches supérieures.

Regen co-courant

Degré de régénérationLa zone sombre dans l'image ci-dessus représente la proportion de résine épuisée, la zone jaune claire celle de résine régénérée. L'image de droite illustre ce que je veux dire : par exemple, au niveau A dans le lit de résine, la résine est 50% régénérée et 50% saturée. Au dessus de la zone d'échange, la résine est totalement saturée, et en dessous de la zone d'échange elle est (dans cette petite image) totalement régénérée.

Si l'on régénère à co-courant, la seule façon de réduire la fuite permanente est d'augmenter la quantité de régénérant afin de laisser moins de résine saturée dans le bas de la colonne à la fin de la régénération.

Régénération à flux inversé (RFR)

C'est ce que l'on appelle communément régénération à contre-courant, bien que cette expression ne soit pas strictement correcte, puisque le lit de résine n'est pas en mouvement. Quoi qu'il en soit, dans cette seconde technique la solution régénérant percole dans le sens inverse du liquide à traiter. Il y a deux sous-cas pour cette régénération à contre-courant :

  1. Saturation de haut en bas et régénération de bas en haut, comme dans les procédés de blocage du lit à l'air ou à l'eau, ou les procédés à lits compacts UFDTM et UpcoreTM.
  2. Saturation de bas en haut et régénération de haut en bas, comme dans les procédés à lits flottants ou AmberpackTM.

Dans tous les cas de régénération à flux inversé, le régénérant n'a pas besoin de pousser les ions chargés sur la résine à travers la totalité du lit, puisqu'il suffit de les repousser de là où ils sont venus. Les couches les moins saturées sont régénérées en premier, et seront donc les mieux régénérées au début de la phase d'épuisement suivante :

RFR

Ou dans le cas de saturation de haut en bas et de régénération de bas en haut (lits flottants) :

RFR2

La régénération à contre-courant offre deux avantages décisifs :

  1. L'eau — ou la solution — traitée a une qualité bien meilleure que dans le cas du co-courant en raison d'une fuite ionique très faible.
  2. La quantité de régénérant requise est moindre, puisque les ions contaminants n'ont pas à être "poussés" à travers la totalité du lit, et la qualité de l'eau traitée est quasiment indépendante de la quantité de régénérant.

Qualité de l'eau traitée

À la fin de la régénération, la couche la moins bien régénérée à co-courant est celle d'où sort l'eau traitée, alors qu'à contre-courant la couche de sortie est la mieux régénérée. C'est pourquoi à co-courant les contaminants du bas de la colonne "fuient" dans l'eau traitée, particulièrement en début de cycle, en raison d'un effet d'auto-régénération, tandis que dans le cas du contre-courant tous les ions contaminants d'une couche de résine sont éliminés par la couche de résine immédiatement inférieure.

Le graphique suivant montre la fuite typique observée pendant la phase d'épuisement (par exemple, la conductivité en µS/cm, mais ce peut être n'importe quelle autre fuite ionique selon le procédé d'échange d'ions considéré). La fuite ionique obtenue en régénération à contre-courant est habituellement si basse qu'elle ne dépend pas de la quantité de régénérant utilisé. En régénération à co-courant, des fuites faibles ne peuvent être atteintes qu'au prix d'une forte consommation de régénérant.

Profils de fuite

Pas de soulèvement à contre-courant !

Tout l'avantage de la régénération à contre-courant dépend de l'arrangement des couches de résines dans la colonne. Ces couches ne doivent en aucun cas être dérangées, et la résine la mieux régénérée doit toujours se trouver à la sortie de la colonne pendant la phase de saturation. Il ne faut donc pas faire un soulèvement du lit de résine avant régénération, et ce lit ne doit jamais être fluidisé. En conséquence, soit on remplit les colonnes complètement avec de la résine, sans espace libre (lits compacts), soit il faut bloquer le lit au cours de la régénération pour qu'il ne se fluidise pas. Voir la page en anglais "ion exchange columns" pour plus de détails.

Étapes de la régénération

La procédure générale de régénération d'une colonne d'échange d'ions est la suivante :

  1. Détasser le lit de résine par soulèvement hydraulique (co-courant seulement !) afin d'éliminer les matières en suspension accumulées à la surface du lit de résine.
  2. Injecter le régénérant dilué dans de l'eau de qualité appropriée. Le passage du régénérant se fait à débit faible, de sorte que le temps d'injection est de 20 à 40 minutes en général.
  3. Déplacer le régénérant avec de l'eau de dilution au même débit.
  4. Rincer le lit de résine avec de l'eau brute jusqu'à obtention de la qualité d'eau traitée souhaitée.
La procédure ci-dessus est valable pour la plupart des unités d'échange d'ions, en adoucissement, dénitratation, décarbonatation, où il n'y a qu'un seul type de résine. Les résines chélatantes nécessitent souvent deux régénérants successifs. Pour la déminéralisation, on régénère d'abord l'échangeur de cations avec un acide, puis l'échangeur d'anions avec de la soude caustique. On peut aussi régénérer simultanément l'échangeur de cations et l'échangeur d'anions.
Des étapes supplémentaires peuvent être nécessaires dans certaines applications spéciales (voir plus bas).

Lits mélangés

MB regenerationLa régénération d'un lit mélangé est plus compliquée. Les étapes sont les suivantes :

  1. Soulever le lit de résine pour séparer la résine échangeuse de cations de la résine échangeuse d'anions (qui a une densité plus basse).
  2. Laisser décanter.
  3. Éventuellement drainer l'eau jusqu'à la surface du lit de résine.
  4. Injecter la soude diluée dans de l'eau déminéralisée.
  5. Déplacer la soude avec l'eau de dilution.
  6. Injecter l'acide dilué dans de l'eau déminéralisée.
  7. Déplacer l'acide avec l'eau de dilution.
  8. Drainer l'eau jusqu'à la surface du lit de résine.
  9. Mélanger les résines avec de l'air comprimé propre ou de l'azote.
  10. Remplir la colonne lentement avec de l'eau.
  11. Faire le rinçage final à l'eau brute au débit de production jusqu'à obtention de la qualité d'eau requise.
Note 1: S'il n'y a pas de distributeur de soude, celle-ci tombe en pluie sur la surface de l'eau dans la colonne. Ceci crée une certaine dilution supplémentaire, et la distribution n'est pas aussi uniforme qu'avec un distributeur ad hoc.
Note 2: Les deux résines peuvent être régénérées simultanément pour gagner du temps. Sinon, toujours commencer par la résine échangeuse d'anions.
Note 3: En traitement de condensats, les lits mélangés font généralement l'objet d'une régénération externe.
Note 4: Le niveau de régénération des lits mélangés est plus élevé que celui de colonnes séparées, parce que l'efficacité de la régénération est moindre. Les valeurs recommandées sont :

Efficacité de la régénération

HCl regeneration
H2SO4 regeneration
NaOH regeneration

Les trois images ci-contre montrent la conversion des résines fortes totalement saturées (forme Na+ ou Cl) en fonction de la quantité de régénérant. L'axe des y "% Regeneration" représente le taux de conversion sous forme H+ et OH respectivement. On peut y observer plusieurs choses :
  1. L'acide chlorhydrique est plus efficace que l'acide sulfurique pour régénérer un échangeur de cations fortement acide (SAC) initialement sous forme Na+.
    Avec 50 g d'acide chlorhydrique par litre de résine on convertit 60 % de la résine sous forme H+.
    Avec 50 g d'acide sulfurique par litre de résine on convertit 40 % de la résine sous forme H+.
  2. Même en équivalents, l'acide chlorhydrique est plus efficace : 36,5 g HCl (1 eq) convertissent 45 % de la résine, mais 49 g H2SO4 (1 eq) ne convertissent que 39 %.
  3. Pour convertir la résine à 100 % forme H+, il faut environ 6,5 eq HCl (240 g/L) mais 8 eq H2SO4 (400 g/L).
  4. Ceci est dû au fait que la seconde acidité de l'acide sulfurique est nettement plus faible que la première.
  5. La régénération à la soude d'un échangeur fortement basique (SBA) de type 1 initialement sous forme Cl est nettement plus difficile :
    Avec 50 g de NaOH, on ne convertit que 37 % de la résine ; avec 40 g (1 eq) on ne convertit que 32 %.
    Il faut 37,5 eq de NaOH (1500 g) pour convertir la résine SBA à environ 100 % sous forme OH.
  6. Le fait qu'une résine SBA soit plus difficile à régénérer qu'une résine SAC s'explique par la valeur du coefficient de sélectivité :
    K(Cl/OH) = 22 tandis que K(Na/H) = 1,7.
Dans la pratique, on ne régénère pas ces résines à un taux de conversion élevé, ce qui serait peu économique en termes de consommation de régénérant.

En revanche, les résines faiblement fonctionnelles (WAC et WBA) ont une courbe de régénération quasiment linéaires : elles se régénèrent avec pratiquement la quantité stœchiométrique (voir plus bas).

Note : toutes les valeurs de dosage de régénérants sont exprimées en grammes de régénérant pur (100 %) par litre de résine.

Ratio de régénération

Définition :
Définition du regeneration ratio

Introduction

Exemple

Excès

La différence entre la quantité de régénérant et la charge ionique (en eq) est appelée excès de régénérant.

Excès [en eq] = régénérant [eq] - charge ionique [eq]

Excès [en %] = 100 x (ratio de régénération – 1)

Rendement de régénération

On appelle parfois en français rendement de régénération l'inverse du ratio de régénération. Ce nombre est toujours inférieur à 1,0 (< 100 %) :

Rendement [en %] = 100 x (eq de charge ionique / eq de régénérant)

Le ratio de régénération de 126 % calculé dans notre exemple correspond donc à un rendement de 79,3 %.

Valeurs minimales (nous utilisons ici les abréviations en anglais)


Régénération en série

Lorsqu'une résine faible et une résine forte sont utilisées en série, il faut appliquer les deux règles suivantes :

  1. L'eau à traiter doit passer d'abord à travers la résine faible, ensuite seulement à travers la résine forte.
  2. La solution régénérante doit passer d'abord à travers la résine forte, ensuite seulement à travers la résine faible.

Colonnes séparées en production
 
Colonnes séparées en régénération

Pourquoi en est-il ainsi ?

  1. La résine faible a une capacité élevée et se régénère facilement, mais elle n'élimine pas tous les ions présents dans l'eau à traiter. Il faut donc la placer en premier, et la résine forte éliminera tous les ions qui n'ont pas été fixés sur la résine faible.
  2. La résine forte nécessite un grand excès de régénérant, tandis que la résine faible n'a besoin de presque aucun excès. Le régénérant passe donc d'abord à travers la résine forte, et c'est l'excès de soude (ou d'acide pour les échangeurs de cations) qui, au sortir dela résine forte, régénère la résine faible.
Les images ci-dessus représentent une régénération à co-courant "à l'ancienne" de colonnes séparées. Les images suivantes montrent le cas d'une colonne de type Amberpack à double compartiment.

Amberpack en production
 
Amberpack en régénération

Les considérations précédentes s'appliquent également à un couple de résines échangeuses de cations.

Types, concentrations et température des régénérants

Voir une liste des régénérants dans une page séparée en anglais.

Types de régénérant
En général, les résines WAC (faiblement acides) peuvent être régénérées avec un acide dont le pKa est plus bas que celui de la résine elle-même. Le pKa de la plupart des résines WAC est de 4,4 à 4,8. L'acide acétique (pK 4,8) est juste suffisant pour leur régénération, et l'acide citrique (pK 3,1) convient bien, tandis que l'acide carbonique (CO2, pK 6,4) ne marche pas. Dans la plupart des cas, on utilise cependant HCl ou H2SO4 en raison de leur coût plus bas.

En général, les résines WBA (faiblement basiques) peuvent être régénérées avec une base dont le pKa est plus élevé que celui de la résine elle-même. Le pKa des résines WBA styréniques est d'environ 8,5 et celui des acryliques de 9,5. L'ammoniaque (pK 9,3) peut donc régénérer les WBA styréniques. Dans la plupart des cas, on utilise cependant NaOH qui est souvent moins cher et d'une utilisation plus commode.

Les résines SAC (fortement acides) et SBA (fortement basiques) ne peuvent se régénérer qu'au moyen d'un acide fort ou d'une base forte respectivement.

Concentrations

Les concentrations usuelles sont :

Dans certains cas particuliers, des concentrations différentes (souvent plus basses, rarement plus hautes) doivent être choisies.
Température

NaCl et HCl s'utilisent à température ambiante.

La température de H2SO4 ne devrait pas excéder 25°C pour réduire le risque de précipitation de CaSO4.

NaOH: en régénération à co-courant, nous recommandons une température de 40°C pour assurer une bonne élution de la silice; à contre-courant on peut régénérer à température ambiante sauf dans le cas d'une forte charge de silice.

Qualité de l'eau pour la régénération

La qualité de l'eau à utiliser pour chaque étape de la régénération est indiquée dans une page séparée.

Neutralisation des régénérants

Voir une autre page (en anglais) sur la méthode de neutralisation des régénérants usés, qui conduit souvent à une capacité utile plus élevée.

Applications spéciales

Sucrage et désucrage

En dehors du traitement d'eau, la solution traitée par les résines doit être déplacée par de l'eau avant la régénération afin d'éviter d'en perdre par mélange avec le régénérant. Cette étape supplémentaire est appelée "désucrage" car elle a été initialement choisie dans le traitement de jus sucrés. De façon analogue, une étape de "sucrage" est introduite après la régénération et le rinçage afin d'éviter la dilution de la solution à traiter. La procédure complète de régénération est donc composée des étapes suivantes :

  1. Soulèvement (optionnel) avec la solution à traiter
  2. Désucrage : déplacement de la solution avec de l'eau
  3. Injection du régénérant
  4. Déplacement du régénérant avec de l'eau
  5. Rinçage rapide avec de l'eau
  6. Sucrage : déplacement de l'eau de rinçage par la solution à traiter
La fraction résultant du désucrage est souvent recyclée, en particulier lorsque la solution contient des composés à forte valeur (métaux précieux, composés chimiques chers).

Lorsque la solution à traiter a une densité élevée, qui peut être plus grande que celle de la résine, la phase d'épuisement — qui a souvent lieu à faible débit — peut être effectuée de bas en haut (en flux ascendant) pour éviter que la résine ne flotte et que le lit soit fluidisé. Cette option est souvent choisie dans le traitement de jus sucrés.

Carrousel

CarrouselPour augmenter la concentration de l'éluat et la capacité utile de la résine, on peut utiliser un système à trois colonnes (ou plus). Dans l'illustration de gauche, deux colonnes sont en phase d'épuisement, et la troisième en régénération. La colonne de tête ("lead") est saturée au delà de son percement normal, et la seconde colonne ("lag") sert de finition et garantit une faible fuite dans la solution traitée.

Lorsque l'éluat contient un composé de grande valeur, celui-ci est obtenu à une concentration plus élevée que dans le cas d'une seule colonne en service.



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© François de Dardel